Par Sophie Bigot-Goldblum
Le mois de Tammuz est une bonne période pour introduire un peu d’histoire française dans la salle de classe de Kodesh.
On marque, en effet, le Yersteitz de deux des plus célèbres des rabbins français -: Rashi le 29 Tammuz 1105 et son petit-fils rabbénou Tam le 4 Tammuz (1171).
Par le prisme de Rashi et Rabbénou Tam, c’est toute l’école de pensée juive médiévale ashkénaze que l’on peut présenter. C’est aussi l’occasion de faire prendre conscience aux élèves de la richesse et de l’ancrage de la présence juive sur le sol français.
Les villes où ont œuvré les tosafistes peuvent constituer une excellente destination pour une sortie scolaire.
Pour les plus âgés, on recommandera plutôt une approche méthodologique en contrastant l’apport de Rashi avec les Tossefot.
En quelques mots, on reviendra sur le cliché selon lequel les commentaires de Rashi sur la Torah ne font que clarifier le pshat, le sens obvie du texte. Rashi présente en effet un nombre important de midrashim. C’est davantage son petit-fils, le Rashbam, qui s’évertuera à concentrer son commentaire sur le sens des mots des versets.
La biographie de Rashi peut également servir de base pour une conversation au sujet des femmes et des tefilin, puisqu’on raconte que ses trois filles -il n’eut pas de fils- Yocheved, Miriam et Rachel, toutes mariées à des érudits talmudiques, priaient en portant les téfilines.
Tout d’abord, qui étaient les filles de Rashi?
Son aînée, Yocheved, a épousé Meir ben Samuel. Leurs quatre fils -Shmuel (Rashbam) , Its’hak (Rivam), Jacob (Rabbeinu Tam) et Shlomo le grammairien, comptent tous parmi les plus prolifiques Baalei Tosafot, ces autorités rabbiniques ayant écrit des gloses critiques explicatives du Talmud figurant désormais en face du commentaire de Rachi sur chaque page du Talmud.
La deuxième fille de Rachi, Miriam, a épousé Judah ben Nathan, lequel a complété le commentaire du Talmud Makkot [28]. Leur fils Yom Tov a ensuite déménagé à Paris pour y diriger une yeshiva avec ses frères Shimshon et Eliezer.
La plus jeune fille de Rachi, Rachel, a, quant à elle, épousé (et divorcé de) Eliezer ben Shemiah.
Alors que certaines femmes Ashkénazes de l’époque médiévale portaient des téfilines, aucune preuve n’indique que les filles de Rachi le faisaient ou non. Cependant, des sources plus anciennes attestent de cette pratique, comme Michal, mentionnée dans le traité Erouvin (96a).
Quoi qu’il en soit, les filles de Rachi étaient reconnues comme erudites : la fille de Yocheved, Chanah, enseignait les lois et coutumes concernant les femmes ; tandis qu’ Alvina, fille de Miriam, était une femme instruite dont les coutumes ont servi de base aux décisions halakhiques ultérieures
Qui étaient les tosfot?
A partir de la génération qui succède à Rashi, notamment auprès de ces petits-enfants au 12ème siècle, on voit apparaître une nouvelle approche de commentaire. Si Rachi et ses prédécesseurs s’étaient surtout appliqués à suivre une explication linéaire -expliquant les mots difficiles- la nouvelle génération va adopter une méthode holistique : voyant le Talmud comme un tout qu’il convient de lire de façon cohérente, les baalei Tosfot vont chercher à harmoniser les apparentes contradictions entre sugot (passage talmudique) à travers des traités épars.
De ce fait, l’étude des tosfot est généralement réservée aux étudiants et étudiantes avancés.
Le Tosafot ne peut être compris que par ceux qui sont bien avancés dans l’étude du Talmud, car les discussions les plus compliquées sont traitées comme si elles étaient simples, et car des phrases qui semblent liées et interdépendantes sont en réalité séparées et incorporées dans différents traités. Rares sont, par ailleurs, les gloses expliquant le sens d’un mot ou contenant une observation grammaticale.
Les Tosafot ne constituent -en somme- pas un commentaire continu, mais se concentrent sur les passages les plus ardus du Talmud.
Malgré le grand respect dont Rachi était tenu par les tosafistes, ces derniers contestèrent ainsi librement ses explications.
Le foyer principal de la littérature tosafiste se trouve incontestablement en France. Les premiers tosafot sont ceux écrits par les deux gendres de Rachi, Meïr b. Samuel de Ramerupt (RaM) et Judah ben Nathan (RIBaN), mais leur tosafot n’étant pas autrement connues, le véritable père des tosafot en France était sans doute Jacob b. Meir (connu familièrement sous le nom de Rabbenou Tam), dont le style a été adopté par ses successeurs.
Le tosafiste le plus en vue immédiatement après Rabbeinu Tam était son élève et parent Isaac ben Samuel ha-Zaḳen (RI) de Dampierre. Si le tosafot d’Asher b. Jehiel (RoSH), mort en 1328, doit également être inclus, la période tosafiste s’étend sur plus de deux siècles . C’est finalement le fanatisme des monastères et l’intolérance de Louis IX qui entraîneront la destruction du Talmud et la fin de la période des tosafistes.
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