Par Sophie Bigot-Goldblum
La fin de la Pessah’ est une occasion de présenter la fête de la Mimouna, largement célébrée en France, en Israël et au Maroc.
Souvent presentée comme un moment de grande festivité et d’échanges entre les juifs d’Afrique du Nord et leurs voisins, la Mimouna peut servir d’excllent tremplin pour aborder avec vos eleves l’histoire des relations entre juifs et musulmans en terre d’Islam.
Mais d’abord, qu’est ce que la Mimouna?
Lorsque la fin de Pessah’ a sonné, on peut enfin manger du chametz. Mais encore faut-il avoir les ingrédients à portée de main, et attendre patiemment que lève la pâte…
C’est pour abréger l’attente de leurs voisins en désir de pain que les habitants non-juifs des alentours apportaient la pâte fraîchement cuite chez eux à la tombée de la nuit, le dernier jour de la Pâque.
Les origines de cette pratique sont assez mystérieuses, tant quant à son nom qu’à son histoire. Certains veulent voir dans la Mimouna un clin d’œil à Rabbi Maïmon ben Yossef, père du plus célèbre des sages séfarades : Maimonide. Pour les linguistes le nom de la fête pourrait être dérivé de l’hébreu מאמין -croire-, ou encore de l’arabe ميمونة signifiant “de bon augure”.
Qu’elle soit signe de richesse et de foi, on le comprend. De richesse, car, après une semaine de diète, on voit soudainement apparaître quantité de mets plus appétissants les uns que les autres. De foi également, car c’est au 22 nissan, jour de la Mimouna (hors de la Terre d’Israel) que les hébreux ont traversé la mer des joncs.
Mais l’incertitude étymologique autour de l’origine du nom de Mimouna -entre l’hébreu et l’arabe- est riche de sens. Elle dit beaucoup de la similitude de ces langues, dont l’origine commune doit être rappelle aux plus jeunes – et pourquoi pas profiter de l’occasion pour présenter quelques midrashim sur la fraternité des fils d’Abraham?
Au verset 9 du chapitre 25 de la genèse on lit :
Il fut inhumé par Isaac et Ismaël, ses fils, dans le caveau de Makpéla, dans le domaine d’Efrôn, fils de Çohar, Héthéen, qui est en face de Mamré;
Rashi commente ce verset ainsi : d’où l’on apprend que Yichma‘el avait fait retour et a donné préséance à Yits‘haq (Baba Batra 16b). C’est en cela qu’a consisté « la bonne vieillesse » (verset 8) dont a bénéficié Avraham (Beréchith raba 38, 12).
On sait qu’à la mort d’Abraham, les deux frères se retrouveront pour enterrer leur pères : Ismaël a donc trouvé un moyen de surmonter sa rancune d’avoir été expulsé dans son enfance. Pour Genesis Rabbah (62), le fait que Isaac soit mentionné avant Ismaël dans ce verset comme un signe de l’acquiescement d’Ismaël:
כאן בן האמה חולק כבוד לבן הגבירה. Ici, le fils de l’esclave rend hommage au fils de la maîtresse de maison.
La réconciliation est telle que les enfants d’Isaac et d’Ismaël se marient:
בראשית כח: ט וַיֵּלֶךְ עֵשָׂו אֶל יִשְׁמָעֵאל וַיִּקַּח אֶת מָחֲלַת בַּת יִשְׁמָעֵאל בֶּן אַבְרָהָם אֲחוֹת נְבָיוֹת עַל נָשָׁיו לוֹ לְאִשָּׁה. Gen 28: 9 Ésaü se rendit à Ismaël et prit pour femme, en plus des femmes qu’il avait, Mahalat, fille d’Ismaël, fils d’Abraham, sœur de Nebaïot.
Mais Yichma‘el n’est pas le seul à faire un pas vers l’autre. Lorsque Isaac réapparaît dans la paracha Chayei Sarah (selon la tradition midrashique, 14 ans après l’Akedah), le texte met un point d’honneur à noter qu’il vient de Be’er l’chai ro’i, où il s’installe après la mort de son père. Il est à noter qu’Isaac n’est pas lié à Be’er Sheva, où son père est allé vivre, mais au puits mystérieux qui marque l’endroit où Agar a rencontré Dieu pour la première fois et qui porte le nom de cette rencontre. La tradition midrashique reprend cette association et imagine Isaac amenant Agar -maintenant nommé Keturah- avec lui, pour se réunir avec Abraham.
Aujourd’hui au Maroc, une “Association à but non lucratif dédiée à la préservation du patrimoine et de la culture juive marocaine” porte le nom de Mimouna.
Ce détour par la Mimouna et le midrash peut également conduire à aborder les récentes réalisations diplomatiques qui ont permis à Israël de se rapprocher de plusieurs pays arabes, dont le Maroc.
La Mimouna concluant Pessah’, avec ses gâteaux et ses chants, est là pour nous rappeler que le festival de la liberté n’est complet que s’il ouvre à la réconciliation.
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