Chaque mois, nous tendons notre micro à une personnalité du paysage éducatif français. Cette fois, c’est Joel Benhamou, qui a répondu, avec l’humour et la bienveillance qu’on lui connaît, à nos questions.
- Qu’est ce qui vous a amené à vous tourner vers l’éducation?
Je crois qu’il y a quelque chose en moi de naturellement tourné vers les autres -mais tout n’est pas inné, et les EI, les scouts israélites de France, ont joué un grand rôle dans ma formation et mon engagement.
En effet, chez les Benhamou, l’engagement aux EI se perpétue de générations en générations.’Mes parents, en Algérie, étaient déjà aux EI, sous la férule de Manitou et Buisson (nom totem de Léon et Evelyne Ashkenazi). ‘Mon père fut commissaire local des EI de Nice – rôle auquel lui succède Joseph Sitruk, futur grand rabbin de France.
Dès mon premier emploi, j’ai travaillé dans l’éducation, puisque j’ai commencé par enseigner les matières juives à Nice. J’ai ensuite entamé une carrière dans le high-tech. Dans l’une des sociétés, je me suis retrouvé, au bout de deux mois, à donner un cours quotidien de Torah à une partie du personnel! On n’échappe pas à son destin.
Après un passage par Strasbourg et Paris, j’ai créé un premier centre d’étude à Nice puis, il y a 18 ans, la ‘Yéchiva des Etudiants de Marseille’, qui poursuit son activité aujourd’hui encore. C’est de là qu’est né mon dernier projet, HILEL CAMPUS France.
- Quelle formation avez vous reçue?
En matière de Limoud, d’étude traditionnelle, j’ai étudié à la Yéchiva d’Aix les Bains pendant deux ans, puis auprès du Rav Toledano au Raincy pendant 2 ans aussi, puis auprès du Rav Yeshurun à Marseille et enfin auprès de Rav Eliahou Abitbol à Strasbourg pendant une quinzaine d’années, où je me suis véritablement épanoui intellectuellement et personnellement.
- Quels conseils donneriez- vous à quelqu’un.e qui voudrait se lancer dans l’aventure?
Étudiez !
Ça semble être une évidence, mais j’ai malheureusement trop souvent constaté le manque de culture talmudique et de cet esprit critique que développe son étude, chez la majorité des enseignants ou des rabbins.
Leur apports se limitent quasiment qu’aux rituels et aux règles de pratiques, négligeant gravement l’intelligence qui préside au sens dont ils sont porteurs
Lorsque Robert Gamzon ouvre l’école Gilbert Bloch -qu’on connaît mieux sous le nom d’école d’Orsay- il la destinait à formation des cadres de la communauté… Pourtant on n’y a enseigné la Torah, le talmud, la pensée juive ! Et cela a suffit à susciter les vocations que l’on sait.
Certes la dimension technique du leadership était acquise sur le terrain des EI principalement.
- Que manque-t-il au paysage juif français d’après vous? – notamment dans le monde de l’éducation juive?
Il manque des gens qui ont étudié, au sens fort du terme. L’école juive en France a une belle marge de progression en termes d’études juives. Il ne faut pas se contenter de transmettre des réponses. Il faut initier les enfants au questionnement et à la remise en question.
Quels sont les atouts du monde juif francais?
Cela fait quelques années que la jeunesse juive française se réveille. Et j’aime à croire que j’y ai un peu joué ma part, notamment avec l’incubateur ‘graines de leader’ qui a lancé beaucoup de jeunes.
Notre projet a toujours été d’investir plus dans les individus porteurs de projets que dans les projets eux-mêmes.
- Quelles sont vos sources d’inspirations?
Outre Manitou, Robert Gamzon – le fondateur des Ei et de l’École d’Orsay- et le Rav Abitbol déjà mentionné, je dois dire que le judaïsme américain, à ma grande surprise, est une de mes sources d’inspiration. On trouve aux Etats-Unis un professionnalisme dans la vie juive qui manque cruellement en France. Mais le judaïsme de France a beaucoup à apporter en termes de contenu et de profondeur.
Votre source juive préférée ?
En 1er chef le Talmud où il est écrit : Là ou il n’a pas d’homme, sois un homme.
Et aussi Maïmonide et le Maharal de Prague
Un dernier mot?
Nous autres éducateurs ne devons jamais oublier que l’influence que nous avons sur nos élèves nous échappe complètement.
Ce que j’ai appris de ma carrière, c’est qu’accueillir l’autre avec un respect sincère (c’est-à-dire non démagogique) de sa position est une attitude clef – sans cela, on ne construit aucun échange authentique.
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