Audrey Alcabes - Poussières d'étoiles

Ce mois-ci, c’est Audrey Alcabes qui a eu la gentillesse de se prêter au jeu de l’interview : éducatrice aux multiples facettes Audrey nous livre ici ses conseils et ses réflexions sur son parcours riche et inspirant.

Vous avez lancé il y a peu Poussières d’étoiles, pouvez nous nous présenter ce projet, et nous raconter sa genèse?

Poussières d’étoiles vise à faire connaître l’histoire et les cultures juives et à promouvoir le matrimoine et le patrimoine juifs par le biais de visites et de séjours guidés, en France et à l’étranger..J’ai lancé fin novembre un cycle de visioconférences intitulé “ Et tu transmettras à ton prochain ” afin de mettre en lumière le parcours de jeunes professionnel.les, qui comme moi, placent la transmission du judaïsme au cœur de leur vie et de les questionner sur ce qui me passionne et me questionne le plus : comment transmet-on et à qui ?

Qu’est ce qui vous a amené à vous tourner vers l’éducation juive?

J’ai été élevée dans une famille juive où la judéité était essentielle : j’ai toujours eu conscience d’être juive donc “différente des autres” mais mon judaïsme a longtemps été circonscrit à l’histoire et au devoir de mémoire de la Shoah et à l’injonction, non négociable, d’épouser un Juif.

Certes, il y avait quelques coutumes et des rites qui rythmaient l’année domestique et j’ai même fait ma bat-mitsvah ! Cependant, pour une jeune fille perfectionniste, ça a été compliqué d’apprendre des lois qui n’étaient pas mises en pratique dans ma propre maison et dans lesquelles, je ne trouvais aucun sens.

Heureusement, j’ai découvert l’UEJF (Union des Etudiants Juifs de France) à 20 ans et je m’y suis immédiatement engagée : j’y ai appris qu’il existait mille manières d’être juif, qui vont du haredi au laïcard et j’ai commencé à construire mon propre judaïsme qui est une composante essentielle de ma vie aujourd’hui. C’est ce cheminement, ces errances et cette expérience que j’ai envie de transmettre.

Quelle formation avez vous reçu?

Je suis une pure littéraire : j’ai un Master de langues, littératures et civilisations des mondes anciens de l’ENS LSH et j’ai travaillé sur l’image des Juifs dans les textes grecs et latins. J’ai aussi fait de l’hébreu biblique puis des ulpanim d’hébreu moderne en Israël. Plus tardivement, j’ai appris le yiddish à la Maison de la Culture yiddish et j’adore le chanter !

Mes études m’ont amenée tout naturellement à devenir professeure de lettres classiques, un métier que j’exerce depuis plus de douze ans. A côté de cela, je travaille aussi pour le Mémorial de la Shoah depuis 2012 comme guide-accompagnatrice lors des voyages d’études à Auschwitz-Birkenau.

Sur la plan associatif, je suis engagée à J’OSE (les Jeunes Actifs avec l’OSE) depuis une dizaine d’années où je m’occupe notamment du bénévolat et de l’organisation d’événements et de voyages.

Enfin, je suis aussi en deuxième année du SNEJ (Section Normale des Etudes Juives), un programme de l’Alliance Israélite Universelle.

Quels conseils donneriez- vous à quelqu’un.e qui voudrait se lancer dans l’aventure?

Je ne connais absolument rien au marketing et je suis très loin d’avoir fait un business plan avant de lancer Poussières d’étoiles mais je pense que quand on a une vision à apporter et les compétences qui la sous-tendent, il faut foncer, le reste viendra plus tard !

N’hésitez pas à demander de l’aide et du soutien surtout dans les moments de doute qui sont nombreux : vous verrez que tout le monde sera ravi de soutenir votre projet !

Enfin, et c’est peut-être mon conseil le plus fondamental, gardez en tête le pic du mont Sinaï : certes, c’est le but de votre ascension mais n’oubliez de vous retourner régulièrement pour reprendre votre souffle, contempler le paysage et surtout admirer le chemin incroyable que vous avez parcouru pour en arriver jusque là !

Que manque-t-il au paysage juif français d’après vous? (notamment dans le monde de l’éducation juive)

J’assiste à de très nombreux événements autour de l’histoire et des cultures juives et je suis peinée de voir que je suis souvent l’une des plus jeunes participantes, plus encore lorsqu’il s’agit de culture yiddish.

Peut-être que les jeunes sont impressionnés devant un public qui a l’âge de leurs grands-parents, peut-être que l’offre proposée ne leur correspond pas, peut-être aussi que la communication n’est pas adéquate et adaptée aux réseaux sociaux etc., les raisons sont multiples.

Or la transmission, “ mi dor le dor ”, “de génération en génération” est au cœur du judaïsme. C’est pourquoi Poussières d’étoiles a pour mission de devenir l’un des vecteurs de transmission au sein du monde juif, non seulement intergénérationnelle mais aussi beaucoup plus large et extra-familiale.

Quels sont les atouts du monde juif francais?

“Men iz azoy vi Got in Frankraykh”.

La France est le pays des Lumières, de la culture et des arts et, à ce titre, elle est un écrin pour le peuple du Livre qui le lui rend bien.

Les Juifs français ont tissé des liens étroits avec les valeurs républicaines dont la laïcité qui est au cœur du judaïsme, en donnant à chacun le droit de croire et de ne pas croire. N’oublions pas que la France est le premier pays européen à avoir émancipé les Juifs en 1791 !

S’il se heurte parfois à des institutions trop conservatrices, le monde juif français reste exemplaire par son foisonnement intellectuel, son engagement citoyen et son militantisme et aujourd’hui, je pense qu’il y a mille manières de continuer à vivre “Heureux comme Dieu en France”.

Quelles sont vos sources d’inspirations? (institutions, personnes, livres, podcast etc)

les douze invité.e.s de mon cycle “ Et tu transmettras à ton prochain”. Ils sont douze à l’image des tribus d’Israël, riches par leur diversité mais ils se retrouvent en l’unicité du am israel. J’admire leur engagement, leur sensibilité et leur ouverture