Pessah, le texte de la sortie d’Egypte est souvent présenté comme un magnifique  récit de libération.

C’est ce qu’il est. Mais pas seulement. Il contient aussi un appel à la violence, un cri de vengeance contre les nations.

De quoi refroidir l’ambiance bonne enfant de votre seder. Surtout si vous avez invité vos voisins.

Pour se préparer à ce moment du seder, et savoir comment répondre aux questions légitimes d’élèves qui les découvraient pour la première fois, voici quelques pistes de réflexion.

Tout d’abord un peu de contexte. Où en sommes-nous du seder lorsque les versets problématiques apparaissent?

Vous avez passez le maggid -du verbe lehagid, raconter-, c’est-à-dire à dire à la partie narrative de la soirée. Le Maggid, c’est un peu le best-off du seder, avec les chants les plus connus : Mah Nishtanah  Dayenou, le rituel des quatre questions… Vous avez sorti la matsa, fait la grimace en goûtant au Maror -les herbes amères-; vous avez enfin mangé, et puis, finalement, le petit dernier de la famille a trouvé l’afikoman toujours caché au même endroit.

Vous pensiez que c’était (enfin) fini. Qu’on allait dire le birkat hamazon et aller se coucher..

Pas si vite. A la fin du birkat, lorsqu’on verse le quatrième et ultime verre de vin,  s’invite une étrange coutume. On ouvre la porte de la maison, et des versets des Psaumes sont récités : « Répands ta colère sur les peuples qui ne te connaissent point, sur les empires qui n’invoquent pas ton nom! Car ils ont dévoré Jacob et fait une ruine de sa demeure » (Psaumes, 79:6-7)

« Déverse sur eux ton courroux, que ton ardente colère les accable! »  (69:25). « Poursuis-les de ton courroux et anéantis-les de sous tes cieux » (Lamentations 3:66).

Ces mots terribles, on les dit après avoir rempli la coupe du prophète Eliyahou, et ouvert grand la porte de notre demeure… comme pour s’adresser directement aux concernés et leur lancer cette terrible menace, ou comme une invitation à ne pas cacher cette partie du rituel de pessah’.

Pour comprendre ces mots, il faut les replacer dans le contexte historique qui a vu naître cette partie du seder.

Toute la tradition liturgique juive porte la trace d’ajouts et de ré-écritures, fruits du désir des juifs de toujours « actualiser » la tradition, de lui faire faire écho au présent. Le seder ne fait pas exception, et ces versets ont été consciencieusement choisis durant des heures de grandes persécutions, ou au cours desquelles l’énonciation de ces versets découlent d’un désir de révolte contre l’oppresseur, mais relèvent également d’un courage  – ou d’une foi – indéniable : ces mots n’étaient pas murmurés sous les barbes, au milieu de la nuit, mais énoncés la porte grande ouverte.

Cette foi en la protection divine, et ce courage face aux oppresseurs d’alors doivent être mis au crédit de nos ancêtres, et non point  jugés à l’aune de notre réalité contemporaine.

Quoi qu’il en soit, ces versets semblent aujourd’hui en décalage avec la réalité des relations que la majorité des juifs entretiennent avec leurs voisins non-juifs. Face à des textes qui semblent contredire nos réalités, et même heurter nos relations à ceux et celles qui nous entourent, chacun, chacune, est libre de s’en défaire.

La tradition juive cependant, nous invite toujours à ré-interpréter plutôt qu’à supprimer.

En 2003, lorsqu’on lui demanda si ces versets s’adressent à toutes les nations indistinctement, le rav Eyal Karim, grand rabbin de l’armée israélienne répondit la chose suivante: « Si nous demandons ‘‘Répands ta colère’ c’est en  raison de la fin du verset: Car ils ont dévoré Jacob – ces paroles ne s’appliquent pas aux les nations qui n’oppriment pas le peuple d’israël ».

Ces versets, il ne tient qu’à nous de les adresser à toutes les forces d’oppression et de haine qui sévissent, contre les juifs dans certains lieux, contre d’autres minorités de par le monde. Il ne tient qu’à nous d’affirmer que la Torah est éternelle et toujours à ré-interpréter , comme les générations passées ont su le faire avec les gouttes de vins extraites des quatres coupes du seder : si elles représentaient initialement le sang de l’épée  de l’Eternel, on dit aujourd’hui qu’elles sont les larmes que nous causent la souffrance des Égyptiens.