Par le Rabbin Josh Weiner, traduit de l’anglais par Noémi Egnell
La crise du Covid a frappé nos vies juste au moment de Pourim l’année dernière, dans la plupart des pays d’Europe. Depuis lors, chacun a vécu des expériences différentes, mais après autant de projets annulés, de rebondissements, d’incertitudes, on peut dire que toute l’année a été une sorte de Pourim.
Un an plus tard, aujourd’hui, il semble que dans certains endroits, un sentiment de stabilité croissante soit palpable, et que dans d’autres, c’est plutôt encore le désespoir. Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve, nous ne l’avons jamais su. N’est-ce pas le message même de Pourim? Naafokh Hu – tout est “sens dessus dessous’’. Tantôt les bonnes choses deviennent des catastrophes, tantôt les misères trouvent une fin heureuse. Tout est aussi arbitraire qu’une loterie — c’est le sens du mot Pourim. D’habitude, nous essayons de trouver une certaine stabilité et de trouver des solutions à nos problèmes — mais à Pourim, nous célébrons l’incertitude de notre vie ! Avec toute notre énergie.
Certaines personnes seront seules cette année, et certaines seront en couple, ou avec leurs colocataires, ou avec quelques amis… Mais personne ne célébrera Pourim comme les années passées. Ce guide est un ensemble de suggestions qui vous permettront de donner du sens à votre Pourim (peut-être même plus qu’auparavant!). Vous pouvez utiliser ces idées, y ajouter les vôtres, et faire tout ce qui peut enrichir l’expérience de Pourim !
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Au mois d’Adar (qui a commencé le 12 février), nous devons faire que “notre joie augmente”. Qu’est-ce à dire? Puisqu’on ne peut pas forcer une émotion, nous devons comprendre que ce commandement consiste à faire que le ‘bonheur externe’ augmente, c’est-à-dire faire des choses qui rendent heureux ou joyeux, en particulier ce qu’on ne ferait pas forcément en ce moment. S’accorder des plaisirs ; se forcer à se réjouir jusqu’à y arriver vraiment ; profiter de beaux habits, un mets délicieux, un bon roman… La joie est inutile, il n’est pas nécessaire de surenchérir en achetant les nourritures les plus raffinées, le livre le plus subtil : essayez, ces deux semaines avant Pourim, de faire chaque jour intentionnellement des choses joyeuses et inutiles.
Shabbat Zakhor (20 février) est le weekend avant Pourim. Il existe un commandement de se souvenir de ce qu’Amalek a fait aux Israélites, et un deuxième commandement de “ne pas l’oublier’’. On peut observer deux des 613 mitzvot en moins d’une minute! Les synagogues étant fermées, on pourra lire l’histoire chez soi. Pourquoi est-ce important? Cela nous rappelle l’arbitraire présent dans le monde, et à quel point notre survie est fragile, et digne d’être célébrée. Nous pensons aux agents de haine extérieurs, et aussi aux ennemis intérieurs (dépression, anxiété, addictions, colère…) qui nous menacent. Amalek reste, d’une certaine façon, toujours pertinent.
Le jeûne d’Esther, le jour d’avant Pourim (cette année, jeudi 25 février), rappelle la façon dont Esther a reconnu son impuissance avant de prendre des décisions politiques qui sauveront son peuple. Esther créa ses propres miracles, mais elle ne fut jamais absolument sûre de ce qu’elle faisait. Cette vie de doute et d’incertitude reconnue et acceptée est toujours d’actualité, surtout cette année. Le jeûne est la manière juive traditionnelle d’exprimer l’empathie, l’altruisme et l’écoute.
- Si vous le pouvez, essayez de jeûner du matin jusqu’au soir, c’est-à-dire au début de la lecture de la meguila. (Ce qui rend beaucoup plus intense le goût du festin du soir, et de la boisson!)
- Si vous ne pouvez jeûner qu’une partie de la journée, ou que pour les repas principaux, c’est aussi significatif.
- Prenez au moins un peu de temps pour réfléchir et méditer ce jour-là. Le jour de Pourim en revanche, vous ne penserez plus à rien!
Pourim
Jeudi soir, Pourim débute enfin! Voici le quatre mitzvot de Pourim, qui commencent toutes par un M : meguila, mishté, matanot la’evyonim et mishloakh manot. Voyons comment les appliquer.
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Lecture de la meguila : Le livre d’Esther doit être lu dans un rouleau manuscrit cachère, deux fois : une fois le soir et une fois pendant la journée. Si vous connaissez un rabbin ou quelqu’un qui possède une meguila, non loin de chez vous, il y a des chances qu’ils seront heureux de lire pour vous le jour j : en sérénade à votre balcon, en tout petits cercles au parc… Beaucoup de synagogues feront aussi une lecture en ligne — cette année, au moins, c’est halakhiquement acceptable. Si vous suivez en ligne, il y a une offre importante : vous pouvez donc en profiter pour vous rapprocher de n’importe quelle communauté dans le monde.
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Mishté (festin de Pourim) : Régalez-vous d’un très bon repas, et buvez plus d’alcool que d’habitude, jusqu’à toucher les limites de la conscience.
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- Il est important de bien manger, surtout pendant la journée. Faites l’effort d’avoir un déjeuner vraiment mémorable, quel que soit l’environnement dans lequel vous vous trouvez. Si vous travaillez vendredi, des alternatives sont sûrement possibles : prendre une pause-déjeuner plus longue, ne travailler qu’une demi-journée, aller au travail un peu ivre… (?!)
- L’ivresse est puissante et dangereuse. Le concept de Pourim et de percer les illusions de notre vie quotidienne, de reconnaître à quel point notre monde est absurde, hasardeux et fragile, de brouiller les catégories qui nous sont normalement essentielles. Si vous êtes seul.e chez vous, vous pourriez avoir une musique assortie à Pourim, des podcasts, des lectures etc, pour vous accompagner pendant le festin.
- Si vous avez des problèmes de santé liés à l’alcool, alors vous n’êtes pas obligé de boire à Pourim. A la place, dégustez un bon repas et faites une sieste (ce qui est considéré comme un état de conscience détendu).
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Matanot Laevionim – dons aux pauvres : Chaque fête religieuse comporte un aspect de partage et de soin aux autres, mais à Pourim cela fait partie intégrante de la journée. Cette mitzva équilibre la célébration du joyeux hasard — si vous avez de l’argent, ce n’est pas seulement parce que vous le méritez : donnez-en donc à quelqu’un qui a faim. Cette année, avec l’incertitude économique grandissante, ce message de Pourim est particulièrement juste et crucial. Cette mitzva est égale ou même supérieure aux autres (selon Rambam), même si c’est parfois oublié.
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- La mitzva de base consiste à donner deux portions de nourriture à deux personnes qui ont faim. Dans une ville, aujourd’hui, on peut aussi faire une donation de l’équivalent de 4 portions de nourriture dans un restaurant. Mais ne faites pas de calculs trop précis, donnez ce que vous pouvez. Par exemple, si vous avez collecté des pièces, vous pouvez sortir dans la rue et les donner à quelqu’un dans le besoin.
- Le coronavirus, le confinement, la récession et l’hiver ont frappé durement. Si vous voulez verser de l’argent à une bonne cause, choisissez-en une qui touche vraiment à la vie matérielle, à la nourriture. Presque partout, pour cette mitzva, il n’y a pas de distinction entre donner à une cause Juive ou non-Juive.
- Avant de donner l’aumône, prenez un petit moment pour penser à ce don comme un acte sacré, comme partie intégrante de la célébration de Pourim.
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Mishloach Manot – portions de nourriture envoyées aux amis : non pas un acte de charité, mais un autre exemple de l’abondance de bonté dont nous voulons faire l’expérience dans le monde. Même le pauvre qui reçoit l’aumône doit donner aux pauvres et aux amis. Dans un monde où l’isolement a pesé de tout son poids, envoyer de la nourriture est un acte qui met en lien.
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- Il faut envoyer à au moins une personne un petit paquet qui inclut au moins deux différentes sortes de nourriture. Si vous pouvez donner plus à plus de monde, c’est encore mieux!
- Si c’est possible, il est préférable de préparer soi-même les portions de nourriture et de les apporter à son destinataire. Mais cette année, entre les restrictions de mouvement et les impératifs hygiéniques, il peut être plus judicieux de commander quelque chose en ligne, ou bien d’envoyer un colis par la poste, en s’assurant qu’il arrive le jour de Pourim.
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Autres idées :
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- Se déguiser? Même si vous ne vous montrerez à personne, il y a quelque chose de psychologiquement puissant dans le fait même de discerner quelle partie cachée de notre personnalité nous allons révéler par le costume. À tout le moins, réfléchissez sérieusement au déguisement que vous auriez porté, ou à celui que vous aurez au prochain Pourim public.
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