Ecrit par Faustine Goldberg-Sigal

 

Je me rappelle que dans la première quinzaine de mars, alors qu’on entendait parler de plus en plus concrètement du COVID, une amie m’a appelée me disant qu’elle présentait des symptômes qui y ressemblaient. On a donc annulé le café qu’on devait prendre. Je me rappelle d’avoir eu un mélange de peur et d’incrédulité – pour moi c’était encore quelque chose de très lointain et irréel. Quelques heures plus tard, elle a été testée positive et a commencé un confinement. Il se trouve que cette amie devait se marier moins de 3 semaines plus tard. Dans les jours suivants, ils ont décidé de reporter leur mariage de fin mars à fin juin. Je me rappelle très nettement à ce moment-là de m’être dit qu’ils voyaient large et qu’en juin, tout ça serait forcément fini depuis bien longtemps. Quelques jours plus tard, le Président Macron a annoncé le confinement national (ou était-ce Edouard Philippe?). 

 

Ca a commencé un peu comme un jeu : on fait des courses, on trouve des hobbies, on appelles les copains perdus de vue depuis longtemps, on finit les albums photos, etc. Je me disais inconsciemment qu’il fallait jouer ce jeu patiemment et strictement pendant quelques semaines et que ce serait vite fini. Comme ça parait loin! 

 

Dans les premiers jours de cette accélération, mes collègues et moi avons dû prendre la décision d’annuler une learning retreat (shabbaton d’étude) qui devait réunir des jeunes adultes d’une douzaine de pays à Barcelone. Le contenu était prêt et le groupe constitué. En outre, comme nous sommes une équipe internationale, nous avions tous déjà une grande habitude de Zoom. Il nous a donc semblé évident de transformer ce week-end en un dimanche d’étude virtuelle. Nous avons réorganisé le planning et reconvié tout le groupe, puis étendu à d’autres. C’étaient les mêmes textes et les mêmes sessions, mais les enseignants auraient une webcam devant eux au lieu d’un cercle de participants. Fin de l’histoire. Au total, nous avions deux fois plus d’inscrits pour la proposition virtuelle que pour le projet initial. Tout le monde trouvait ça original et rassurant de pouvoir passer un dimanche entier sur Zoom à étudier ensemble. Ca aussi, comme ça parait loin! 

 

Nous sommes près de 8 mois plus tard, et ça ne me traverserait plus l’esprit de participer à un tel webinaire pendant tout un dimanche – et encore moins d’en organiser un! L’enthousiasme de la nouveauté que nous avions, et de ce que nous pensions être une passade très transitoire, s’est estompé ou en tous cas modifié. Nous avons compris que nous étions partis pour un sprint mais que c’est en fait un marathon – et il faut adapter la cadence. Je ne sais pas si nous sommes au milieu de cette épreuve, avant ou après, mais j’ai appris, avec mes collègues, mes amis et mes enseignants différentes choses qui rendent la vie sur Zoom moins pénible et les partage ici. Ce sont des choses que je ne faisais ou savais pas en 3 ans d’usage de Zoom – mais dont l’omniprésence de cette technologie m’a donné l’idée.

 

Je vous propose donc 5 conseils concrets pour améliorer vos cours, sessions d’étude et réunions avec vos collègues sur Zoom:

  1. Enlevez le muet! Oui, c’est toujours pénible d’entendre l’aspirateur ou la conversation dans la pièce voisine de son interlocuteur. Mais lorsque vous êtes en petits groupes, si tout le monde enlève la fonction muet (i.e. se rend audible des autres), ça change la donne. En effet, si un de vos élèves souhaite participer, le fait qu’il faille activer son micro crée une barrière, même psychologique, qui limite la participation spontanée et contribue au sentiment agaçant de fausse interaction humaine. Cela contraint aussi vos participants à s’installer dans un endroit calme. Cela est avantageux car cela les aidera à se concentrer mais attention à ceux d’entre eux qui ne disposent pas d’un espace calme pour des raisons matérielles ou familiales. Si c’est le cas, il vous faudra vous adapter et possiblement remettre les participants en muet. 
  2. Enlevez l’affichage de votre caméra sur votre écran! Avec la fonction “hide self view”, ou “masquer l’affichage de soi”, votre caméra reste active et vos interlocuteurs vous voient mais vous ne voyez plus. J’ai remarqué que lorsque mon visage apparaît à l’écran, je suis très distraite du contenu visuel et auditif de la conversation. L’enlever me permet de me concentrer beaucoup plus aisément. 
  3. Offrez à vos interlocuteurs (élèves, collègues, etc.) des appels sans vidéo! La caméra permet en général de nous sentir plus proche, mais après avoir passé des heures de suite devant sa caméra, on peut être épuisés, parce qu’il faut écouter, noter, réagir, éventuellement traduire mentalement. Chaque écran affiche un visage différent, avec un fond différent, etc. Cette accumulation de stimuli devient épuisante. Lorsque vous menez un cours, offrez à vos élèves la possibilité, même transitoire de couper leur caméra. Et pour des appels à vos collègues, prenez votre téléphone! Et profitez-en pour vous lever de vos bureaux. Vous craignez peut-être que sans la caméra, vos élèves ne vous écoutent pas, parce qu’ils seraient sur leur téléphone en même temps, ou bien qu’ils se lèveraient de leur chaise pour faire les cent pas. Dites-vous que la caméra braquée sur eux n’est de toutes façons jamais un gage qu’ils sont attentifs et impliqués dans le cours. En alternant avec et sans caméra, vous valoriserez la présence de vos interlocuteurs dans les deux situations. 
  4. Réduisez la longueur des échanges! Pour moi, être présente 45 minutes sur Zoom est au moins aussi exigeant que de participer à une réunion en personne d’une heure. Prévoyez des plans de cours ou ordre du jour plus courts, quitte à suivre par mail ou autre. En outre, comme la plupart des gens segmentent leur journée en tranches d’une heure, cela vous donnera à tous un quart d’heure de battement pour boire de l’eau, répondre à un mail urgent, aller vérifier que vos enfants dans la pièce voisine vont bien, etc. Inutile de dire qu’enchaîner immédiatement une heure d’appel Zoom sur une autre consécutive est une épreuve dont on se dispense avec plaisir. 
  5. Variez les supports d’enseignement! Dans une présentation Zoom (professionnelle ou académique), les supports visuels sont cruciaux parce qu’ils permettent aux gens d’accrocher, ou le cas échéant, de raccrocher leur attention s’ils se sont distraits. Je suis adepte de textes, juifs et autres. Mais encore plus que pour un cours en présentiel, il est crucial de varier les supports au-delà du texte. Interrompez-vous pour montrer un extrait de film, faire écouter une chanson. Proposez aux gens quelques minutes de pause pour qu’ils dessinent ou bricolent quelque chose lié à votre propos. Non seulement cela permettra aux participants de garder leur attention mobilisée plus facilement, mais en plus, cela vous donnera, en tant qu’enseignant ou présentateur, une pause pour boire de l’eau et réorienter éventuellement la suite de votre propos.

 

Alors qu’on entend beaucoup parler de “Zoom fatigue” (i.e. épuisement, lassitude de Zoom), un de mes collègues me disait l’autre jour qu’à son sens les gens ne sont pas fatigués des appels Zoom, mais fatigués des mauvais appels Zoom. Parmi les choses que cette crise demande de nous, c’est d’adapter nos méthodes de travail, notre façon d’interagir, de gérer la place du virtuel dans nos vies. Les solutions qui marchaient en avril se sont usées et nous n’avons pas d’autre choix que d’en trouver d’autres… en attendant un vaccin bimhera beyameinou