Par Faustine Sigal-Goldberg
Les 10 et 11 novembre derniers ont eu lieu les Assises du Consistoire de Bordeaux, à l’initiative d’Erick Aouizerate, président de cette institution. Il y a convié différents professionnels et activistes de la communauté juive française afin de mettre en perspective passé, présent et avenir. Les participants étaient répartis dans six ateliers pour discuter et proposer:
- Inclusion de la différence (handicap, LGBT et familles/couples mixtes)
- Formation rabbinique
- Jeunesse et éducation
- Place des femmes
- Conversions
- Orthodoxie en débats
Il nous a paru pertinent de partager les constats et propositions de l’atelier jeunesse et éducation dans ce blog. Les conversations étaient coordonnées, en amont et sur place par Philippe Lévy, directeur de l’Action Jeunesse du FSJU et Sandra Jerusalmi, coordinatrice de l’enseignement supérieur à l’AIU et résidente Moishe House à Paris. Les membres étaient praticiens de ce milieu: enseignants dans des écoles ou talmudei torah, décisionnaires dans des mouvements de jeunesse, etc.
Ils ont choisi de définir la “jeunesse” comme la tranche d’âge 25-35 ans et de regarder tant l’éducation formelle qu’informelle, tant les communautés structurées (synagogues, talmudei torah, mouvements de jeunesse, centres communautaires, etc) que les espaces plus fluides (tiers-lieux type Moishe House, groupes sans ancrage physiques), les jeunes affiliés et moins.
Concernant la jeunesse juive de France, le groupe a consensuellement constaté le manque de données concernant les phénomènes de mobilité (Paris – Banlieu, Paris – Province, alyah), la fréquentation des synaguogues, des mouvements de jeunesse. Ce manque est d’autant plus fragilisant que les dernières décennies ont vu une transformation radicale des modes de socialisation et d’affiliation : hyperconnexion, mobilité professionnelle et géographique, éclatement des affiliations traditionnelles (politiques, religieuses, centre d’intérêts, etc.). Ces mutations n’ont pas résolu la difficulté structurelle à toucher les jeunes juifs du lointain (environ deux tiers), par opposition avec ceux ayant un ancrage communautaire.
Sur ces sujets, ils ont fait deux propositions:
- Faire financer et mener une enquête nationale pour prendre le pouls des besoins et aspirations de la jeunesse juive de France
- Repenser le dialogue et possibilités d’expressions des jeunes dans la communauté, par la création d’espace virtuels (réseaux sociaux) et physiques adéquats.
Concernant l’offre éducative faite aux jeunes adultes, les constats étaient ceux d’une méfiance croissante de la part des jeunes quant au risque d’un repli communautaire et des approches dogmatiques. Il y a certes de nouvelles initiatives émergentes, répondant notamment à une appétence croissante pour l’étude – mais elles restent peu visibles et lisibles. L’atelier proposait donc:
- D’améliorer la lisibilité de l’offre relativement riche et plurielle pour permettre le développement d’identités juives plurielles et positives chez les jeunes et leurs (futures) familles : communiquer sur les initiatives innovantes, notamment dans un portail unitaire permettant d’aiguiller les choix de chacun.
- Encourager la diversification de l’offre éducative pour qu’elle reflète l’ouverture à la société et les lieux d’affinités des jeunes (tiers-lieux et non pas centres communautaires traditionnels).
L’atelier a passé du temps en zoom sur le secteur des écoles et des mouvements de jeunesse. Les mouvements continuent à attirer et générer de l’engagement, bien qu’ils soient en perte de vitesse (hormis les EEIF et la Jeunesse Loubavitch). L’école juive a vu ses rangs grossir. En favorisant la lutte contre une assimilation redoutée, elle manque parfois à préparer les jeunes au monde extérieur (faible accent sur la culture générale, faible sensibilisation à la citoyenneté, mauvaise apprentissage des langues, y compris de l’hébreu). L’atelier a donc proposé que des personnels formés à l’éducation informelle soient recrutés pour inciter les élèves à s’engager dans des mouvements et causes qui leur tiennent à coeur. Cela pourrait aller de pair avec une “école des parents”, qui pourrait soutenir et se joindre à cette dynamique. Enfin, il serait judicieux de développer des partenariats entre mouvements de jeunesse, talmudei torah et écoles.
Le dernier sujet abordé par l’atelier était celui du développement du leadership des jeunes. Les jeunes préfèrent en moyenne se rassembler hors d’un cadre formel ou hiérarchique, et dans un cadre “bottom-up” ou “grassroots” (i.e. initié par leurs pairs). Les institutions communautaires sont déphasées avec ce public et peinent à y ajuster leur offre. L’atelier suggère donc que les conseils d’administration des institutions fassent une place quantitativement significative aux jeunes adultes en leur sein de sorte à entendre ces voix et anticiper la relève communautaire. Il serait souhaitable de récompenser le leadership et l’engagement (validation des acquis de l’expérience, expériences d’échanges subventionnés à l’international, etc.). Enfin, l’atelier invite les institutions communautaires à mettre en oeuvre des moyens concrets d’inciter les jeunes à entreprendre: bourses d’études, incubateurs, appels à projets, etc.
Les modérateurs ont adressé des compte-rendus à M. Aouizerate dans le mois suivant les Assises, qui seront diffusées prochainement de manière synthétique.
Merci à Sandra Jerusalmi et Philippe Lévy de leur aide pour la rédaction de ce post.
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